what about passion

« j’ayme estre libre, et veulx estre captif »     Ronsard

L’art et la nature, le hasard et la mesure font bon calcul et bonne aventure et bon manège et prodiguent la perfection prise à un ensemble humain (corps/esprit) qui tient en servage celle ou celui qui l’a regardée, qu’elle dé-visage et décompose, et on ne la, ne le, reconnaît plus, le cœur se lâche et s’attache, séduit, conquiert et enclot la raison qui prend un siège et patience, il envoie mille messages au corps, où les tempes battent, les doigts tremblent, les joues brûlent, les jambes tanguent, les yeux brillent, la main timide, la langue fourche, dans un parfait désordre, où le sang bat dans le bas-ventre, afflue, abonde, inonde ; on a chaud, il fait froid, on a froid, il fait chaud ; le rouge est la couleur reine et le cœur (dans sa cage), à l’étroit, pourtant grossit, gonfle, exagère, endure, gronde et réclame cent-soixante-treize fois minute, s’en libère brutalement et s’y oppresse doucement, et ne lui chaut que la raison, de sa prison, le lance et le relance, et le tance que ce mot qui tant travaille, domine, dévore, « passion », est emprunté très précocement au verbe pâtir, rappelant que quand tu aimes il faut pâtir, que les sens contraires s’épousent, l’oxymore règne sur chaque pièce de la mécanique intérieure qu’il essouffle et qui rougit d’intense activité, nulle n’étant au repos pendant le transport, le mouvement violent du cœur, et chacune tant active qu’à la fin elle se lasse, la mécanique, que le rouge devient la douleur reine, fait plus maux que bien, mal que biens, et que la raison, qui a toujours plus que le d ur raison, reprend peu à peu dans le débat-combat le dessus parce quelle préside à la vie cette vie que le cœur sape et mine et ronge et ôte quand il se tait ; elle quittera la douce prison parce que le cœur a pompé sa propre énergie, elle sortira mais fatiguée par l’exercice d’amour, recrue de souffrance, mais composera un visage humain à l’être revenu, relâché, détaché, réduit, parmi les siens ; entendez-moi, passion : littérature –

Jean-Pascal Dubost avril 2003

2003
« What about passion », Vitry-le-François et Reims
« Parcours d’artistes », Reims

à propos de l’exposition

La question de la relation à l’autre, dans ses états multiples, est au cœur du propos de l’artiste, qui explorait déjà ce thème avec une première installation « Que fait le prince charmant », mise en espace de la question du couple et de son devenir dans le quotidien.

Cette deuxième installation de l’artiste témoigne d’un cheminement et de l’affirmation de sa démarche. Dominick Boisjeol s’arrête ici sur un état possible de la relation à l’autre : la passion amoureuse.

Une histoire de bruit et de fureur nous est donnée à voir dans un espace théâtralisé, où le noir de la salle est contredit par le rouge de la lumière, où le noir et la force du métal s’opposent au rouge et à la légèreté de la tarlatane ; l’histoire d’un coup de tonnerre nous est dite sur un mode confidentiel, proche d’un chuchotement. Alors, des images fortes, dérangeantes, se forment, se rassemblent, émergeant de l’univers des contes, des mythes ?

La transcription plastique s’apparente à l’ébauche ; les montures métalliques ont la précision et la nervosité de traits de crayon, des robes sont taillées dans la tarlatane, matériau aérien et translucide, telles des esquisses, des croquis.

Deux pavillons symbolisent le passage de l’état passionnel et dévorant à un état autre qui par le retour à soi, le retour à l’ordre, peut-être, permet de passer à autre chose, de reconstruire. Ce passage, de l’ordre de la (re)naissance, annonce peut-être la prochaine étape du travail.